Édition nº 80

L’arc, la flèche et la cible

L’arc, la flèche et la cible

     Nous sommes tous des archers de la volonté divine. Par conséquent, il est indispensable de bien connaître les instruments dont nous disposons.

L’arc
     L’arc, c’est la vie : de lui vient toute l’énergie.
     La flèche partira un jour. La cible est loin.
     Mais votre vie demeurera toujours avec vous, et il faut savoir en prendre soin.
     Des périodes d’inaction vous sont nécessaires – un arc toujours bandé, en état de tension, perd sa puissance. Aussi, acceptez de vous reposer pour retrouver votre fermeté : lorsque vous tendrez la corde, votre force sera intacte.
     L’arc n’a pas de conscience : il est un prolongement de la main et du désir de l’archer. Il sert à tuer ou à méditer. Donc soyez toujours clair dans vos intentions.
     Un arc a une certaine flexibilité, mais il a aussi une limite. Un effort au-delà de sa capacité le briserait, ou laisserait épuisée la main qui le tient. De même, n’exigez pas de votre corps plus qu’il ne peut vous donner. Et comprenez qu’un jour la vieillesse viendra – et que c’est une bénédiction, non une malédiction.
     Pour maintenir avec élégance l’arc ouvert, faites en sorte que chaque partie ne donne que le nécessaire, et ne dispersez pas vos énergies. Ainsi, vous pourrez tirer de nombreuses flèches sans vous fatiguer.

La flèche
     La flèche, c’est votre intention. C’est ce qui unit la force de l’arc au centre de la cible.
     L’intention de l’être humain doit être transparente, droite, équilibrée.
     Une fois qu’elle est partie, elle ne reviendra pas, mieux vaut alors interrompre un processus – parce que les mouvements qui vous ont conduit jusqu’à lui n’étaient pas précis et corrects – que d’agir n’importe comment, pour la seule raison que l’arc était déjà bandé et que la cible attendait.
     Mais ne manquez jamais de manifester votre intention si seule vous paralyse la crainte de vous tromper. Si vos mouvements sont corrects, ouvrez votre main et libérez la corde, faites les pas nécessaires et affrontez les défis qui se présentent à vous. Même si vous n’atteignez pas la cible, vous saurez corriger votre tir la prochaine fois.
     Si vous ne prenez aucun risque, vous ne connaîtrez jamais les transformations qui étaient nécessaires.

La cible
     La cible, c’est l’objectif à atteindre.
     C’est vous qui l’avez choisie. En cela réside la beauté du chemin : vous ne pourrez jamais vous excuser en disant que l’adversaire était plus fort, parce que c’est vous qui avez choisi votre cible, et vous en êtes responsable.
     Si vous considérez la cible comme un ennemi, vous aurez beau tirer dans le mille, mais vous ne parviendrez pas à améliorer quoi que ce soit en vous-même. Vous passerez votre vie à essayer de placer une flèche au centre d’un objet en papier ou en bois, ce qui est totalement vain. En présence d’autres personnes, vous ne cesserez de vous plaindre de ne rien faire d’intéressant.
     C’est pourquoi vous devez choisir votre objectif, donner le meilleur de vous-même pour l’atteindre, en le regardant avec respect et dignité : il vous faut savoir ce qu’il signifie, ce qu’il vous a coûté d’efforts, d’entraînement, d’intuition.
     Lorsque vous regardez la cible, ne vous concentrez pas uniquement sur elle, mais sur tout ce qui se passe autour : car la flèche, quand elle sera décochée, sera confrontée à des facteurs que vous ne dominez pas, comme le vent, le poids, la distance.
     L’objectif n’existe que dans la mesure où un homme peut rêver de l’atteindre. Ce qui justifie son existence, c’est le désir – sinon, il serait un objet mort, un rêve lointain, une chimère.
     De même que l’intention cherche son objectif, de même l’objectif cherche l’intention de l’homme, car c’est elle qui donne sens à son existence : alors elle n’est plus seulement une idée, mais le centre du monde pour l’archer.

 
Édition 80