Édition nº 221

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Notes dans les aéroports


Notes dans les aéroports

Moïse partage les eaux

« On s’habitue parfois à ce que l’on voit dans les films, et l’on finit par oublier la vraie histoire », dit un ami, tandis que nous regardons ensemble le port de Miami. « Te souviens-tu des Dix Commandements ? »

Bien sûr, je m’en souviens. Moïse – Charlton Heston – à un certain moment lève son bâton, les eaux se fendent, et le peuple hébreu traverse la mer.

« Dans la Bible, c’est différent », remarque mon ami. « Là, Dieu ordonne à Moïse : “Dis aux fils d’Israël de se mettre en marche.” Ce n’est qu’après qu’ils ont commencé à marcher que Moïse lève son bâton et la mer Rouge s’écarte.

« Seul le courage sur le chemin permet que le chemin se manifeste. »

 

Saint Augustin et la logique

Saint Augustin fut converti par un simple signe. Pendant des années, il avait cherché dans différents courants philosophiques une réponse au sens de la vie. Un après-midi, dans le jardin de sa maison à Milan, il réfléchissait à l’échec de toute sa quête. À ce moment-là, il entendit un enfant dans la rue, qui chantait : « Prenez et lisez ! Prenez et lisez ! »

Bien qu’il eût toujours été gouverné par la logique, il décida – sur une impulsion – d’ouvrir le premier livre à sa portée. C’était la Bible, et il lut un passage de saint Paul. Il contenait les réponses qu’il cherchait.

Dès lors, la logique d’Augustin fit une place à la foi pour qu’elle puisse participer, et il devint l’un des plus grands théologiens de l’Église.

 

Le sens de la vérité

Au nom de la vérité, l’humanité a commis ses pires crimes. Des hommes et des femmes ont été brûlés. La culture de civilisations entières a été détruite. Ceux qui cherchaient une voie différente étaient marginalisés.

L’un d’eux, au nom de la « vérité », a fini crucifié. Mais – avant de mourir – il a laissé une grande définition de la Vérité.

Ce n’est pas ce qui nous donne des certitudes. Ce n’est pas ce qui nous donne la profondeur. Ce n’est pas ce qui nous rend meilleur que les autres. Ce n’est pas ce qui nous garde prisonnier des préjugés.

La vérité est ce qui nous donne la liberté. « Vous connaîtrez la Vérité, et la vérité vous libérera », a dit Jésus.

 

Artistes de la vie

Je dois vivre toutes les grâces que Dieu m’a offertes aujourd’hui. On ne peut pas économiser la grâce. Il n’existe pas de banque où nous déposons les grâces reçues, pour les utiliser selon nos envies. Si je ne jouis pas de ces bénédictions, je les perdrai irrémédiablement.

Dieu sait que nous sommes des artistes de la vie. Un jour, il nous donne le ciseau pour les sculptures, un autre jour des pinceaux et la toile, un autre encore il nous donne un stylo pour écrire. Mais nous ne pourrons jamais utiliser le ciseau sur des toiles, ou des stylos sur des sculptures. À chaque jour son miracle. Je dois accepter les bénédictions d’aujourd’hui pour créer ce que j’ai à créer ; si je le fais avec détachement et sans culpabilité, demain je recevrai davantage.

 

Le crapaud et l’eau

Un avocat de mes amis, Renato Pacca, m’envoie un texte intéressant : plusieurs études en biologie démontrent qu’un crapaud placé dans un récipient avec l’eau de son lac reste immobile tout le temps que nous faisons chauffer le liquide. Le crapaud ne réagit pas à l’augmentation graduelle de la température (changements d’environnement) et il meurt quand l’eau bout, enflé et heureux.

D’autre part, un autre crapaud jeté dans ce récipient alors que l’eau est déjà bouillante bondit immédiatement à l’extérieur. À moitié brûlé, mais vivant !

Parfois nous sommes des crapauds bouillis. Nous ne percevons pas les changements. Nous pensons que tout va très bien, ou que ce qui va mal passera – ce n’est qu’une question de temps. Nous sommes sur le point de mourir, mais nous continuons à flotter, stables et apathiques, dans l’eau qui se réchauffe à chaque minute. Nous finissons par mourir, enflés et heureux, sans avoir compris les changements autour de nous.

Il y a des crapauds bouillis qui croient encore que ce qui est fondamental c’est l’obéissance, et non la compétence : commande qui peut, et obéit celui qui est raisonnable. Et dans tout cela, où est vraiment la vie ? Mieux vaut sortir un peu brûlés d’une situation, mais vivants et prêts à agir.

 

Juin 2001

La vie est comme une grande course cycliste, dont le but est d’accomplir notre légende personnelle.

Au départ, nous sommes ensemble – partageant camaraderie et enthousiasme. Mais à mesure que la course se déroule, la joie initiale fait place aux vrais défis : la fatigue, la monotonie, les doutes sur notre capacité.

Nous constatons que certains amis ont renoncé au défi – ils courent encore, mais seulement parce qu’ils ne peuvent pas s’arrêter au milieu de la route ; ils sont nombreux, ils pédalent à côté de la voiture balai, ils discutent entre eux, et ils accomplissent une obligation.

Nous finissons par nous en distancier ; et alors nous sommes obligés d’affronter la solitude, les surprises dans les virages inconnus, les problèmes avec la bicyclette. Et au bout d’un certain temps, nous commençons à nous demander si tous ces efforts valaient la peine.

Oui, cela vaut la peine. Il suffit de ne pas renoncer.

 
Édition 221
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