Édition nº 220

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Au temps où les animaux parlaient


Au temps où les animaux parlaient

Quand j’étais petit, une grande partie des histoires commençaient par deux phrases : la première et la plus connue, c’est « Il était une fois… »

La seconde, également bien connue des Brésiliens, c’était : « Au temps où les animaux parlaient… ». Cette tradition a peut-être commencé avec les fables d’Esope, un ancien esclave qui vécut voilà plus de deux mille cinq cents ans. Son origine aussi est légendaire ; son lieu de naissance varie, selon l’encyclopédie consultée, de la Grèce à l’Ethiopie. Mais cela n’a pas la moindre importance, son héritage a traversé le temps, il a eu du succès dans toutes les générations, et il reste vivant de nos jours.

De temps à autre, je relie ses enseignements, et ils me paraissent plus importants que celui de nombreux philosophes actuels. Voici quelques-unes des fables dans lesquelles il recourt au thème du renard ; la force de ses histoires est telle que de nos jours encore le pauvre animal reste synonyme de malice.

 

Le renard et le roi singe

Les animaux décidèrent que leur roi serait élu par celui qui danserait le mieux. Après une grande fête à laquelle tous participèrent, le singe reçut la couronne.

Jaloux, le renard alla faire un tour dans les environs. Il découvrit un piège intact, avec de la nourriture à l’intérieur. À toute vitesse, il s’en empara et l’apporta à la bande :

« J’ai trouvé ce repas somptueux, et je me suis vu dans l’obligation de le remettre à notre roi, qui aura priorité sur tout. »

Sans trop réfléchir, le singe mit la main pour attraper la nourriture, et se retrouva pris au piège.

« Tu m’as trahi ! hurlait-il.

– Comment ça ? Je n’ai même pas essayé de prendre la nourriture ! Mais au moins, on voit bien que tu n’es pas prêt pour la charge. Un animal intelligent ne prend jamais une décision sans penser d’abord à toutes les possibilités et à tous les risques encourus. »

 

Le renard à la queue coupée

Un renard tomba par hasard dans un piège. Il parvint à s’échapper, mais il avait la queue coupée. Désormais, il se trouvait monstrueux. Mais il trouva une solution, quand il rencontra ses amis :

« Je pense que la nouvelle mode, c’est de nous couper la queue. Elle suscite la convoitise des chasseurs, mais elle ne sert à rien, et c’est un poids inutile que nous portons.

– Cher frère, répondit l’un d’eux. Si tu avais une queue, nous donnerais-tu ce conseil ? Nous sommes assez sages pour savoir quand quelqu’un désire notre bien, ou quand il veut seulement nous faire partager ses déficiences. »

 

Le renard et le laboureur

Lassé de toujours voir sa récolte partiellement détruite par ce petit animal, le laboureur parvint à capturer le renard. Sans la moindre pitié, il mit de l’eau-de-vie dans son corps et alluma le feu.

Sachant qu’il allait mourir, le renard se mit à courir au milieu de la récolte, et tout alentour commença à prendre feu. Tandis qu’il s’éloignait, il disait :

« La prochaine fois, essaie d’être compréhensif et indulgent ! Il vaut toujours mieux donner un peu de ce que l’on a plutôt que de vouloir tout garder ! Chaque fois que nous faisons le mal, il finit par se retourner contre nous ! »

 

Le renard et le corbeau

Le corbeau vola aux bergers un morceau de fromage, et il alla s’installer sur un arbre pour le manger. À ce moment-là passait un renard affamé qui lui demanda un morceau, mais le corbeau fit de la tête un signe négatif.

C’est alors qu’il commença à décrire toutes ses qualités : il était adroit, il volait, il avait un beau plumage noir. Il n’avait qu’un seul défaut : il ne savait pas chanter comme les autres oiseaux.

Pour prouver qu’il se trompait, le corbeau ouvrit son bec pour chanter, et le fromage tomba par terre. Le renard s’en saisit immédiatement, et s’en alla en disant :

« Cher ami, ceci est le prix de la vanité ! Quand quelqu’un te fait trop d’éloges, méfie-toi toujours ! »

 

 
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