Édition nº 111

De la gloire transitoire

De la gloire transitoire

      SIC TRANSIT GLORIA MUNDI. Saint Paul définit ainsi la condition humaine dans l’une de ses épîtres : la gloire du monde est transitoire. Et, même sachant cela, l’homme est toujours en quête de reconnaissance pour son travail. Pourquoi ? L’un des plus grands poètes brésiliens, Vinicius de Moraes, dit dans l’une de ses chansons :
     « Et cependant il faut chanter
     Plus que jamais il faut chanter. »
     Ces phrases de Vinicius de Moraes sont magnifiques. Rappelant Gertrud Stein, dans son poème « Une rose est une rose, c’est une rose », il dit simplement qu’il faut chanter. Il ne donne pas d’explications, il ne se justifie pas, il n’use pas de métaphores. Lorsque j’ai présenté ma candidature à l’Académie brésilienne des Lettres, accomplissant le rituel qui consiste à entrer en contact avec ses membres, j’ai entendu l’académicien Josué Montello me dire quelque chose de semblable : « Tout homme a le devoir de suivre la route qui passe par son village. »
     Pourquoi ? Qu’y a-t-il sur cette route ?
     Quelle est cette force qui nous pousse loin du confort de ce qui est familier et nous fait affronter des défis, même si nous savons que la gloire du monde est transitoire ?
     Je crois que cette impulsion s’appelle la quête du sens de la vie.
     Pendant des années, j’ai cherché dans les livres, dans l’art, dans la science, dans les chemins périlleux ou confortables que je parcourais, une réponse définitive à cette question. J’en ai trouvé beaucoup ; certaines m’ont convaincu pour des années, d’autres n’ont pas résisté à un seul jour d’analyse, aucune cependant n’a été assez forte pour que je puisse dire maintenant : le sens de la vie, c’est cela.
     Aujourd’hui, je suis convaincu que cette réponse ne nous sera jamais confiée dans cette existence, même si à la fin, au moment où nous serons de nouveau face au Créateur, nous comprenons toutes les opportunités qui nous ont été offertes – et que nous avons acceptées ou rejetées.
     Dans un sermon de 1890, le pasteur Henry Drummond parle de cette rencontre avec le Créateur. Il dit :
     « À ce moment, la grande question de l’être humain ne sera pas : “Comment ai-je vécu ?”
     Elle sera : “Comment ai-je aimé ?”
     L’épreuve finale de toute quête est la dimension de notre Amour. Il ne sera pas tenu compte de nos actes, de nos croyances, de nos réussites.
     Nous n’aurons pas à payer pour cela, mais pour notre manière d’aimer notre prochain. Les erreurs que nous avons commises seront oubliées. Nous ne serons jamais jugés pour le mal que nous avons fait, mais pour le bien que nous n’avons pas fait. Car garder l’Amour enfermé en soi, c’est aller à l’encontre de l’esprit de Dieu, c’est la preuve que nous ne L’avons jamais rencontré, qu’Il nous a aimé en vain. »
     La gloire du monde est transitoire, et ce n’est pas elle qui donne sa dimension à notre vie, mais le choix que nous faisons de suivre notre légende personnelle, de croire en nos utopies et de lutter pour elles. Nous sommes tous les protagonistes de notre existence, et très souvent ce sont les héros anonymes qui laissent les marques les plus durables.
     Une légende japonaise raconte qu’un moine, enthousiasmé par la beauté du livre chinois du Tao-Tö King, décida de lever des fonds pour traduire et publier ces vers dans la langue de sa patrie. Il mit dix ans à trouver la somme suffisante.
     Cependant, la peste ravagea son pays, et le moine décida d’utiliser l’argent pour soulager la souffrance des malades. Mais dès que la situation fut redevenue normale, il se remit à économiser la somme nécessaire à la publication du Tao.
     Dix ans passèrent encore et, alors qu’il se préparait à imprimer le livre, un raz-de-marée laissa des centaines de gens sans abri. Le moine dépensa de nouveau l’argent à la reconstruction de maisons pour ceux qui avaient tout perdu. Dix ans s’écoulèrent encore, il se remit à rassembler l’argent, et enfin le peuple japonais put lire le Tao-Tö King.
Les sages disent que, en réalité, ce moine a fait trois éditions du Tao : deux invisibles, et une imprimée. Il a cru en son utopie, il a livré le bon combat, il a gardé la foi en son objectif, mais il est resté attentif à son semblable. Qu’il en soit ainsi de nous tous : les livres invisibles, nés de la générosité envers notre prochain, sont parfois aussi importants que ceux qui occupent nos bibliothèques.

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