Édition nº 110

Conte de Noël : une place au paradis

Conte de Noël : une place au paradis

     Il y a des années, vivaient dans le Nordeste du Brésil un homme et une femme très pauvres, dont le seul bien était une poule. Grâce aux œufs qu’elle pondait, ils parvenaient péniblement à survivre.
     Mais voilà que, la veille de Noël, la poule mourut. Le mari, qui n’avait que quelques centimes, bien insuffisants pour acheter de la nourriture pour le repas de ce soir-là, alla chercher de l’aide auprès du curé du village.
     Pour toute aide, le prêtre déclara simplement :
     « S’Il ferme une porte, Dieu ouvre une fenêtre. Vu que, avec votre argent, vous n’aurez presque rien, allez au marché et achetez la première chose que l’on vous offrira. Je bénis cet achat et, comme Noël est le jour des miracles, quelque chose va se passer, qui va changer votre vie pour toujours. »
     L’homme n’était pas certain que ce fût la meilleure solution, il se rendit cependant au marché ; le voyant errer sans but, un commerçant lui demanda ce qu’il cherchait.
     « Je ne sais pas. J’ai très peu d’argent, et le curé m’a dit d’acheter la première chose que l’on m’offrirait. »
     Le commerçant, bien que richissime, ne manquait jamais une occasion de faire du profit. Il s’empara immédiatement des pièces que tenait l’homme, griffonna quelques mots sur un bout de papier et le lui tendit.
     « Le curé a eu raison ! Comme j’ai toujours été bon, en ce jour de fête, je vous vends ma place au paradis ! Voici le contrat ! »
     L’homme prit le papier et s’éloigna, tandis que le commerçant se sentait très fier d’avoir fait encore une excellente affaire. Le soir, alors qu’il se préparait pour le souper dans sa maison remplie de domestiques, il raconta l’histoire à sa femme, ajoutant que c’était grâce à sa faculté de raisonner rapidement qu’il avait réussi à devenir très riche.
     « C’est une honte ! s’exclama la femme. Agir ainsi le jour de la naissance de Jésus ! Va chez cet homme et reprends ce papier, ou bien tu ne remettras pas les pieds ici ! »
     Effrayé par la fureur de son épouse, le commerçant se résolut à lui obéir. Après qu’il eut beaucoup cherché, il trouva enfin la maison de l’homme. Lorsqu’il entra, il vit le couple assis devant une table vide, le papier au milieu.
     « Je suis venu jusqu’ici parce que j’ai commis une erreur, dit-il. Voici votre argent, rendez-moi ce que je vous ai vendu.
     – Vous n’avez pas commis d’erreur, rétorqua le pauvre. J’ai suivi le conseil du prêtre, et je sais que ce papier est béni.
     – Ce n’est qu’un bout de papier : personne ne peut vendre sa place au paradis ! Si vous le voulez, je vous en donne le double. »
     Mais le pauvre ne voulait pas vendre, car il croyait aux miracles. Petit à petit, le commerçant fit monter son offre, qui atteignit la somme de dix pièces d’or.
     « Cela ne m’avancera pas, dit le pauvre. Je dois donner à ma femme une vie plus digne, et pour cela cent pièces d’or sont nécessaires. Voilà le miracle que j’attends en cette nuit de Noël. »
     Désespéré, sachant que s’il s’attardait davantage, personne chez lui ne dînerait ni n’assisterait à la messe de minuit, le commerçant paya finalement les cent pièces d’or et reprit le bout de papier. Pour le couple pauvre, le miracle s’était réalisé. Quant au commerçant, il avait fait ce que sa femme lui avait demandé. Mais l’épouse se mit à douter : n’avait-elle pas été trop dure avec son mari ?
     Dès que fut terminée la messe de minuit, elle alla voir le curé et lui raconta l’histoire.
     « Mon père, mon mari a rencontré un homme à qui vous aviez suggéré d’acheter la première chose qui lui serait offerte. Voulant gagner de l’argent facile, il a écrit sur un papier qu’il vendait à l’autre sa place au paradis. J’ai dit à mon mari qu’il ne dînerait pas chez nous ce soir s’il n’allait pas rechercher ce bout de papier, et finalement il a dû payer cent pièces d’or. Ai-je exagéré ? Est-ce qu’une place au paradis a vraiment un tel prix ?
     – Premièrement, votre mari a su se montrer généreux en ce jour qui est le plus important pour les chrétiens. Deuxièmement, il a été l’instrument de Dieu pour la réalisation d’un miracle. Mais pour répondre à votre question : quand il a vendu sa place au ciel pour quelques centimes, elle ne les valait même pas, mais après qu’il eut décidé de la racheter pour cent pièces d’or, uniquement pour faire plaisir à la femme qu’il aime, je peux vous assurer qu’elle vaut beaucoup plus que cela. »

(d’après un conte hassidique de David Mandel)

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