Édition nº 105

Le respect du mystère

Le respect du mystère

     Les Grecs ont décrit en grands maîtres le comportement humain à travers des petites histoires que l’on a coutume d’appeler des « mythes ». Toutes les générations qui sont venues ensuite, jusqu’à la psychanalyse de Freud (avec le complexe d’Œdipe, par exemple) et les films d’Hollywood (comme le Morphée de Matrix) ont finalement bu à cette source.
     Durant une grande partie de ma vie, l’une de ces histoires m’a beaucoup intrigué : le mythe de Psyché.
     Il était une fois… une belle princesse, admirée de tous, mais que personne n’osait demander en mariage. Désespéré, le roi alla consulter le dieu Apollon ; ce dernier conseilla que Psyché fût laissée seule, en vêtements de deuil, en haut d’une montagne. Avant que le jour commence à poindre, un serpent viendrait à sa rencontre pour l’épouser. Le roi obéit, et toute la nuit la princesse attendit, terrorisée et mourant de froid, l’arrivée de son mari.
     Finalement elle s’endormit ; à son réveil, elle était dans un beau palais, devenue reine. Toutes les nuits, son mari venait la retrouver, ils faisaient l’amour, mais il avait imposé une seule condition : Psyché aurait tout ce qu’elle désirait, mais elle devait lui accorder une confiance totale, et elle ne verrait jamais son visage.
     La jeune fille vécut heureuse très longtemps ; elle avait le confort, la tendresse, la joie, elle était amoureuse de l’homme qui lui rendait visite toutes les nuits. Cependant, elle redoutait parfois d’être mariée à un horrible serpent. Un matin, alors que son mari dormait, elle éclaira le lit avec une lanterne, et elle vit, couché près d’elle, Éros (ou Cupidon) – un homme d’une beauté extraordinaire. La lumière le réveilla, il découvrit que la femme qu’il aimait n’était pas capable de satisfaire son seul désir, et il disparut.
     Chaque fois que je lisais ce texte, je me demandais : serait-ce que nous ne pouvons jamais découvrir le visage de l’amour ?
     Il fallut que de nombreuses années passent sous les ponts de ma vie pour que je comprenne que l’amour est un acte de foi en l’autre, et que son visage doit demeurer enveloppé de mystère. On doit le vivre et en jouir à chaque moment, mais chaque fois que l’on tente de le comprendre, la magie disparaît.
     Quand j’ai accepté cela, je n’ai plus laissé un langage étrange, que j’appelle « signes », guider ma vie. Je sais que le monde me parle, je dois l’écouter, et si je le fais, je serai toujours guidé vers ce qu’il y a de plus intense, de plus passionné et de plus beau. Bien sûr, ce n’est pas facile, et je me sens parfois comme Psyché sur le rocher, gelé et terrorisé ; mais si je suis capable de passer cette nuit et de m’abandonner au mystère et à la foi en la vie, je finis toujours par me réveiller dans un palais. Tout ce dont j’ai besoin, c’est de faire confiance à l’Amour, même si je cours le risque de me tromper.
     Pour conclure le mythe grec : souhaitant désespérément le retour de son amour, Psyché se soumit à une série d’épreuves que lui imposa Aphrodite (ou Vénus), mère de Cupidon (ou Éros), jalouse de sa beauté – elle devait entre autres lui livrer un peu de cette beauté. Curieuse de savoir ce que contenait la boîte renfermant la beauté de la déesse, Psyché, de nouveau, ne parvint pas à supporter le Mystère – elle décida de l’ouvrir. Elle ne trouva dans la boîte aucune beauté, mais un sommeil infernal qui la laissa inerte et la paralysa.
     Éros/Cupidon, lui aussi amoureux, se repentit de n’avoir pas été plus tolérant envers sa femme. Il réussit à entrer dans le château, la réveilla de son profond sommeil de la pointe de sa flèche et lui dit encore : « Tu as failli mourir à cause de ta curiosité. » Voilà la grande contradiction, Psyché qui voulait trouver l’assurance dans la connaissance avait trouvé l’insécurité.
      Ils allèrent tous deux supplier Jupiter, le dieu suprême, que cette union ne fût jamais défaite.
     Jupiter plaida ardemment la cause des amants et obtint l’accord de Vénus. Depuis ce jour, Psyché (l’essence de l’être humain) et Éros (l’amour) sont ensemble à tout jamais. Celui qui n’accepte pas cela et cherche toujours une explication aux magiques et mystérieuses relations humaines perdra ce que la vie a de meilleur.

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